Biographie de Alpha Blondy

ALPHA BLONDY

LE PROPHETE DU REGGAE AFRICAIN

François Bensignor fevrier 1997

 

"Alpha", c'est le début, le commencement, l'aspiration à progresser. Lorsque Seydou Koné, futur prophète du reggae africain, se baptise lui-même Alpha Blondy au début des années 80, il se condamne à son propre dépassement perpétuel. Pourtant, rien de son enfance en Côte d'Ivoire ne laissait présager le succès phénoménale qui lui a fait vendre des millions de disques et lui attire des fans dans le monde entier.

Fils d'un père inconnu, sa toute jeune mère voulait l'abandonner à sa naissance en 1953. D'abord recueilli par sa grand-mère qui le choie comme un prince pendant neuf ans, il va vivre chez sa mère lorsque celle-ci trouve un mari. Mais les relations entre l'adolescent et son beau-père sont électriques. Heureusement qu'il y a la musique pour rêver d'ailleurs.

"Yéyé" raconte la période survoltée de ses seize ans à Korhogo, capitale régionale du pays Sénoufo, au Nord de la Côte d'Ivoire. Tous les week-ends, il y a des surboums dans le quartier. Seydou lit Salut les Copains , écoute Johnny Hallyday, Christophe, Antoine et s'est choisi pour nom de scène Elvis Blondy, à la tête de son premier groupe, Atomic Vibrations.

Viré du lycée à dix neuf ans, il passe sa dernière année d'études à Monrovia, capitale du Liberia, un pays inventé par les Américains. Il y parle anglais et rêve de vivre libre dans le Nouveau Monde. Décidé à faire le grand saut, Seydou finit par trouver les moyens de s'envoler pour New York.

Il est touché par la révélation du reggae lors d'un concert de Burning Spear à Central Park. Avec l'obsession d'enregistrer un disque, il chante dans plusieurs groupes. Mais le célèbre producteur jamaïcain Clive Hunt le laisse choir à la dernière minute, alors qu'il est à deux doigts d'aboutir.

Foudroyé par une intense dépression, le jeune Ivoirien est rapatrié dans sa famille. Après de longs mois de lutte contre la folie, il regagne Abidjan, prend le nom d'Alpha et repart à zéro.

Fulgence Kassy, animateur de "Première chance", l'émission de la télévision ivoirienne où se révèlent les jeunes talents, croit en ce chanteur allumé qui invente un reggae africain avec les mots de la jeunesse urbaine d'Abidjan.

Il le programme, l'aide à trouver un producteur et contribue au fulgurant succès de "Brigadier Sabari" en 1983. Toute la génération ouest-africaine qui n'a pas connu la colonisation se reconnaît à travers cette histoire de contrôle de police injuste et musclé. En 1993, avec "Fulgence Kassy", Alpha salue celui qui lui a permis de passer du ghetto au star system.

La brutalité du succès aurait pu consumer son talent comme un feu de paille, mais Alpha démontre une persévérance à toute épreuve. En 1984, sa signature avec EMI lui permet de réaliser un de ses rêves les plus chers : enregistrer "Cocody Rock" dans le studio Tuff Gong de Bob Marley. Il y reviendra l'année suivante, pour y réaliser un album entier avec les Wailers. "Politiqui" en fait partie.

Sa reconnaissance internationale, Alpha Blondy l'impose grâce aux excellentes prestations de son groupe, The Solar System. Son personnage tourmenté intrigue et séduit. Avec "Apartheid is Nazism", il s'affirme comme un idéaliste rebelle, combattant l'injustice des hommes. Avec "Come Back Jesus" et "Jerusalem", on découvre en lui le mystique et c'est le rasta visionnaire qui chante "Rasta Poue" et "Masada".

Avec sa sensibilité à fleur de peau, sa musique traduit merveilleusement la joie et l'insouciance de l'amour dans "Sweet Fanta Diallo" ou "Rendez-vous", comme la violence de la séparation dans "Amour Papier Longueur".

Alpha Blondy se sent profondément Africain. Retourné vivre à Abidjan après plusieurs années passées à Paris, il y a acquis la sympathie de feu le président Houphouët Boigny, chanté les richesses de la Côte d'Ivoire avec "Banana" et "Café Cacao", mais s'intéresse toujours au désarroi d'une jeunesse laissée pour compte par les nantis de la planète.

Aujourd'hui pour Alpha : "Le reggae est autant africain que jamaïcain". Et il le prouve.

François Bensignor