Biographie de MAMA KEITA

François Bensignor octobre 1996

 

Mariamagbé ou simplement Mama Keïta possède une de ces voix de charme qui savent trouver la voie du coeur.

La fraîcheur ingénue de l'enfance illumine son visage lorsqu'elle évoque sa ville natale, Kankan, à l'est de la Guinée. Petite fille, elle fréquente assidûment les fêtes de mariage, de baptême, où elle laisse libre cours à son inclination profonde pour la danse et le chant.

Quelle offense pour son père, le jour où il l'apprend ! Comment une Keïta peut-elle trahir son nom en agissant comme une fille de griot ? Fi de l'interdiction paternelle, Mama continue à chanter dans les fêtes, en cachette.

Jusqu'au matin fatal où deux des meilleurs chefs d'orchestres de la ville viennent supplier le vieux Keïta de leur laisser sa fille. À onze ans, elle est si douée qu'ils la veulent chacun dans leurs spectacles respectifs : au festival national de Conakry, ils veulent être les meilleurs. Toute une journée, intraitable, le père oppose son refus. Mais Demba Camara tient bon, après le forfait de son concurrent, jusqu'à ce que le père accepte enfin.

Étrangère parmi les griots, Mama Keïta devra faire preuve d'autant plus de persévérance et de talent pour imposer sa personnalité. Elle la forge, à force de travail, durant plusieurs années auprès de ce grand ensemble traditionnel d'une cinquantaine de membres, l'un des plus réputés de Guinée.

En 1983, elle s'émancipe de la pure tradition, part pour Abidjan et rejoint l'orchestre moderne du Guinéen Baba Djan. En cinq ans, sa réputation de chanteuse-danseuse s'affermit. La voici à Londres en 1988 avec le petit groupe traditionnel du frère de Mory Kanté, Djeli Moussa Diawara. Ils y enregistrent l'album Subindoor .

Dans la capitale britannique, Mama Keïta fait la connaissance du Malien Ali Farka Touré. Le bluesman du Sahel s'intéresse à elle, l'engage pour les six mois de sa tournée internationale et lui prédit un brillant avenir de chanteuse.

De retour dans l'orchestre de Baba Djan, Mama s'installe à Paris en 1989. Le manager du groupe, Otis Mbaye -- celui qui a conduit Mory Kanté jusqu'à son immense succès international -- a compris le potentiel de la jeune chanteuse. Elle sera la première artiste produite sur son nouveau label, Mi Cora Son.

Il choisit de présenter son talent dans l'écrin très doux d'un accompagnement acoustique. Légèreté des guitares, souvent à l'unisson ; fluidité du piano au son classique mais à l'approche moderne ; commentaires discrets de la cora ; architecture solide des ch urs et des percus. L'album de Mama Keïta trace la ligne esthétique d'une direction nouvelle donnée à la musique d'Afrique de l'Ouest.

François Bensignor