MEIWAY
Avec son zoblazo dansé dans toute l'Afrique et présenté devant le showbiz international au Midem 1998, Frédéric Désiré Ehui, dit Meiway, donne une forte identité à la musique ivoirienne moderne. Il nous éclaire sur les traditions dont il s'inspire.

Naturellement séduisant, Meiway est aussi un artiste intelligent. Dans la fougue de sa jeunesse, comme bien d'autres, il a prêté son talent à toutes les dernières modes venues de l'Occident, disco, reggae ou funk, dont raffolait le public des pistes de danse. Bientôt aguerri aux canons de ces musiques internationales, il choisit l'originalité à travers la démarche de son compatriote, le regretté Ernesto Djédjé disparu en 1983, inventeur du fameux ziglibithy.
« Ernesto Djédjé est pour nous la source, dit Meiway. Il est le premier Ivoirien qui se soit inspiré d'une tradition musicale — celle des Bété à l'ouest du pays — pour y apporter une finition moderne. C'est lui qui m'a donné cette envie de me servir du folklore de mon terroir pour en faire une musique capable de défendre la culture ivoirienne au plan international.
« Les Bété jouent une musique particulièrement chaude, qui se danse avec beaucoup de vigueur, sur une rythmique particulièrement intense. Celle dont je m'inspire vient des Appolos, majoritairement implantés au sud-est du pays. Elle est exprimée avec beaucoup de sensualité dans le geste. Cette douceur est sans doute dûe à l'influence du bord de mer, au calme des lagunes, aux vagues et au balancement des pirogues des pêcheurs. »

La grâce des Appolos
« Le vrai nom de notre ethnie, d'origine ghanéenne, est N’Zema. Le nom d'Appolo nous a été donné par les Blancs. Quand les colons sont arrivés pour la première fois à Grand Bassam, ils ont été fascinés par la beauté physique et l'élégance des Bassamois, dont le vêtement traditionnel est le kita, grand pagne très coloré où se mélangent les jaunes, bleus, rouges, verts, noir, blanc… Ils ont comparé leur élégance à celle des Grecs et leur beauté à celle d'Apollon : d'où Appolo.
« Grand Bassam fut la première capitale de la Côte d'Ivoire. Il en reste de nombreuses maisons coloniales. Les Apolloniens, qui vivent dans cette région, ont été les premiers à être touchés par la civilisation européenne, à connaître et jouer les instruments de la fanfare… Nous en avons gardé une certaine fierté culturelle. De nombreux artistes de talent, cinéastes, peintres, sont issus de Grand Bassam et savent transmettre leur savoir au reste du monde.

L'enfant de Grand Bassam
« À l'école primaire de Grand Bassam, j'étais un élève assez turbulent. Mon penchant pour la musique commençait déjà à germer. J'ai même été élu premier danseur dans un concours de danse. Mais, longtemps, mes parents ont cru que la musique était un sot métier. Personne donc ne voulait que j'en fasse une carrière. Aujourd'hui, les choses ont changé, tant mieux.
« Mon père était fonctionnaire et jouait de l'accordéon en famille, à ses moments perdus. Ma mère chantait dans une chorale chrétienne. Faire de la musique était leur distraction du week-end. Mais mon père se produisait également en public comme percussionniste avec le sidder (une déformation de l'anglais “see them” : regardez les), un ensemble traditionnel de chez nous, qui anime fêtes funéraires ou mariages. Cet environnement a bercé mon enfance et m'a poussé à faire mon apprentissage de la percussion et autres instruments traditionnels. »

Le zoblazo, héritier de l'abissa
« Chez nous, il y a plusieurs formes de tambours : les atoumblan, qui sont les grands tambours, mais aussi de petites percussions carrées ou rectangulaires, très typiques des Appolos, qui accompagnent les danses traditionnelles comme le sidder, le grolo ou l'abissa.
« L'abissa est une danse sacrée que l'on danse chaque année à la période de la Toussaint. Cette danse de purification marque le nouvel an dans notre tradition. Elle est un vœu de bonne année et de bonne chance à tous les Appoloniens. Mon principal emprunt à nos musiques traditionnelles est la base rythmique de percussions, notamment le tam-tam parleur de l'abissa, qu'on nomme édongolé. C'est le tam-tam qui lance des messages et appelle toutes les autres rythmiques.
« Mon oncle, Adjialou, est actuellement le maître de l'édongolé à Grand Bassam. Il en connaît les rythmes et enseigne la façon d'en jouer. Auprès de lui, j'ai été initié à cet instrument, et il m'a également appris les percussions du sidder et du grolo. C'est ainsi que j'ai pu construire la base du zoblazo.
« Le zoblazo se danse en empruntant des signes caractéristiques du sidder, du grolo et de l'ahuèné (communément appelé fanfare pour avoir adopté les cuivres européens), qui se dansent traditionnellement avec le mouchoir blanc. Je suis promoteur de la culture des Appolos, j'ai fait de ce mouchoir blanc un symbole. Le blanc est un signe de pureté, parce que j'ai toujours voulu que ma musique soit pure. C'est aussi un signe de joie, parce que ma musique est gaie et chaleureuse. Et c'est surtout un signe de paix, ce dont nous avons un grand besoin dans ce monde et surtout en Afrique. »
François Bensignor
Discographie : 1989 : Ayibebou (Sonodisc)
1992 : 200% Zoblazo (Sonodisc)
1993 : Jamais 203 - 300% Zoblazo (Sonodisc)
1995 : Appolo 95 - 400% Zoblazo (Sonodisc)
1997 : Les Génies vous parlent - 500% Zoblazo (Lusafrica)